Réflexion sur la politesse et le respect de l’enfant

« C’est pas poli ; dis bonjour ; je te donne ce jouet si tu me dis merci »

Code sociétal, règle de bonne conduite, indice d’éducation réussie… La politesse reste sacrée pour grand nombre d’adultes.

C’est quoi, être poli ?

La politesse, c’est l’ensemble des usages sociaux régissant les comportements des gens les uns envers les autres ; observation de ces règles.1

Or, les enfants ne comprennent pas encore tous ces codes sociaux.

Quel est le meilleur moyen d’apprendre la politesse à nos enfants ?

  • Favoriser le mimétisme par l’exemple.

Les enfants apprennent les codes sociaux en observant les personnes qui les entourent. Ils finissent par les imiter une fois qu’ils en ont compris les tenants et aboutissants.

En montrant l’exemple, les neurones miroirs2 des enfants s’activent. Ils permettent à l’enfant de reproduire l’action, et d’en saisir les intentions et les émotions.3

Exemple : Papa et maman ont dit bonjour en souriant à l’hôtesse de caisse. L’hôtesse de caisse a à son tour dit bonjour à papa et maman en souriant. L’intention est positive.

Fonctionnement des neurones miroirs

 

  • La vivre

Si l’on pousse la réflexion un peu plus loin, dans la littérature, le terme « politesse » vient du verbe « polir », qui signifie « initier quelqu’un aux règles de la civilité, de la bienséance », ou encore « donner à une surface un état uni, lisse et luisant »1. On peut se demander si la politesse peut vraiment s’inculquer sans façonner, sans conditionner.

De manière générale, nous usons tous de ces codes artificiels quotidiennement. Qui ne s’est jamais forcé à dire «bonjour» ? Dans ce cas là, il est bien difficile pour l’enfant de saisir la nuance entre la politesse «hypocrisie» et la politesse «courtoisie-empathie» : c’est l’un des facteurs qui fait que la politesse est un concept difficile à intégrer pour un enfant, tant que son cerveau n’est pas apte à saisir ce type de subtilités sociales. Il me semble impossible de transmettre ces valeurs aux enfants s’ils ressentent qu’il s’agit-là d’obligations et d’hypocrisie.

Qu’enseigne-t-on à l’enfant en le forçant à intégrer tous ces codes sans qu’il les ait entièrement compris ? Souhaite-t-on que sa politesse soit sincère et qu’il sache également utiliser tout de même la politesse–hypocrite quand cela est nécessaire ? Si oui, alors il faut alors envisager la transmission de cette règle (la politesse) d’une autre manière qu’en l’obligeant… Quel est l’inconvénient de forcer un enfant ?

L’enfant forcé est un enfant conditionné, qui utilise les formules de politesse de façon mécanique, sans en comprendre la valeur. De plus, il apprend l’hypocrisie : «on me force à dire des choses que je ne pense pas» et donc le mensonge, ainsi que la crainte induite par cette obligation. Les formules de politesse n’ont aucune valeur si l’enfant agit sous la contrainte. En y regardant de plus près, la majorité des adultes ne remarquent pas les signes qui font qu’un enfant est en train d’intégrer les règles de politesse (sourire, signe de la main, … ou plus déroutant : cris de superhéros, courir se cacher derrière maman puis regarder en faisant un grand sourire puis se recacher, proposer directement de jouer ou parler directement d’un truc qui les passionne ou faire une observation rigolote sur la robe à fleur de tatie Danièle), et prennent cela pour un affront. Quel dommage ! En prenant les choses ainsi, ils retardent l’apprentissage de la politesse ou alors biaisent complètement son apprentissage : l’enfant risque d’intégrer que la politesse est une forme de soumission que l’on doit avoir de manière mécanique face à n’importe quel adulte ! Pour mieux comprendre le mécanisme de l’obéissance, voir lien ci-après. Réflexion sur l’obéissance

Pour mieux comprendre:

C’est un réflexe naturel de se mettre en sécurité derrière maman/papa (ou tout autre comportement qui semble inapproprié lorsqu’il faudrait dire bonjour/merci, etc..) pour au fil des mois, comprendre qu’il n’y a pas de danger avec telle ou telle personne, et qu’il peut imiter sereinement papa/maman en saluant chaleureusement (ou pas^^) le(s) interlocuteur(s). Souvent les petits enfants traversent une période où ils sont réticents à toute nouvelle rencontre ainsi qu’aux règles de politesse (que ce soit une personne connue ou non)

En fait, comme tout apprentissage, l’enfant -et vous- allez passer obligatoirement par 3 phases, comme expliqué dans le schéma ci dessous (que l’on peut facilement adapter à n’importe quel type d’apprentissage).
Sous ce schéma, nous allons expliquer 3 types de situations auxquelles sont confrontés tous les parents/enfants, afin de mieux comprendre et de trouver ainsi des solutions adaptées.

 

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  1. Lors d’un changement de situation, le petit enfant a besoin d’une “bulle sécuritaire” (c’est un réflexe normal guidé par son cerveau reptilien) de quelques minutes pour se faire à cette nouvelle situation (arrivée chez mamie, recevoir des invités, ou pire: faire face à un groupe de gens aux visages peu ou pas familiers qui veulent venir te parler, ou pire encore, te faire des bisous de force!!). Vous remarquerez quasi systématiquement que passé ce temps, l’enfant redevient naturel: le signal d’alarme “sécurité” de son cerveau lui dit qu’il n’y a pas de danger et qu’il peut reprendre une “activité normale”.

Schéma pour comprendre les fonctions du cerveau reptilien.

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2. Les imitations de nos enfants sont souvent maladroites: parfois ils font des “essais foireux” : ils voudraient dire bonjour, et cela finit par un rire gras qui ressemble à un grognement ou alors fondre en larmes, etc…

Outre le fait que papy Claude et que tante Ginette vont *selon les cas*:

  • râler sans aucune retenue et sans aucun respect pour vous et votre enfant et couvrir l’enfant de jugements plus absurdes et paralysants les uns que les autres.

  • ou vous regarder simplement de travers.

Il faut comprendre que ceci est une phase classique par laquelle passent quasiment la totalité des enfants. Elle est nécessaire à leur apprentissage de la règle.

3- le refus , la provocation:

Idem que dans le point 2: pour intégrer une règle, il faut aussi avoir expérimenté les réactions très diverses et variées des gens face au refus de faire un signe de politesse. Cela prend du temps, et comme dit dans le point ci-dessus, cela passera: cette période pas simple peut faire partie de la phase finale d’intégration de la règle de politesse. Si on force, on prolonge cette phase d’intégration de la règle au risque de faire en sorte que cette règle soit mal intégrée (exemple: systématiquement, en votre absence, l’enfant refusera de dire merci ou bonjour car on l’a trop forcé).

L’enfant regorge de façons de montrer sa joie de voir quelqu’un : un sourire, une invitation au jeu, un regard. Je préfère un regard et un sourire sincères qu’un bonjour hypocrite. Les relations sociales s’apprennent tout au long de la vie. Laissons à nos enfants le temps de comprendre comment fonctionnent les relations sociales entre les gens. Il en est de même pour l’apprentissage des codes sociaux. Il faut prendre en compte le rythme d’apprentissage des enfants, qui, d’un enfant à l’autre, diffère. Soyons patients !

Le cas du bisou

Dès le plus jeune âge, il est, à mon sens, primordial d’apprendre à l’enfant la notion de consentement.

Qu’est-ce que le consentement ? Par définition, le consentement est « l’action de donner son accord à une action, à un projet. »1 En d’autres termes, il s’agit de prendre en considération les sentiments de l’enfant. Dans le cas contraire, si l’enfant est forcé, l’enfant intégrera l’idée que l’adulte a le pouvoir sur lui, sur son corps.

 

 

Veillons à ce que nos rêves et désirs ou nos conditionnements (waw, il est super poli ton petit !!) ou nos peurs ou nos pressions (tu me déçois, tu n’élèves pas bien nos petits enfants ! De mon temps, on respectait les adultes, nous !) ne dépassent pas les capacités de l’enfant à l’instant T: chaque chose en son temps, tout vient à point à qui sait attendre ! Faites confiance à vos enfants : ils sont PROGRAMMÉS pour nous imiter (une fois qu’ils ont intégré la règle, ce qui prend un certain temps).

Imposer la politesse aux enfants, que ce soit par le bisou et/ou le bonjour forcé(s), relève davantage de ce que les gens vont «penser de nous», du regard des autres que de la volonté sincère de guider nos enfants vers une compréhension/intégration des règles sociales. Lorsque l’enfant sera prêt, il utilisera naturellement les formules dites de politesse, ayez confiance en eux!

Pour finir, une petite métaphore à méditer :

Un arbre qui grandit lentement s’enracinera profondément et solidement: laissez-le temps à votre enfant d’observer les règles de politesse et le jour où elles seront intégrées, il vous surprendra: il saura comment utiliser la politesse de manière appropriée. Et pour le bisou, lorsqu’il en donnera, ceux-ci seront sincères et non forcés. Cela fait une sacré différence : un bisou ou un câlin sincères, c’est autre chose qu’un bisou ou un câlin mécaniques faits «pour faire plaisir à l’adulte» !

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Pour faire plaisir à l’adulte…voilà une façon de penser bien dangereuse, ne trouvez-vous pas ?

Apprendre les « bonnes manières » ne doit pas devenir plus important que le besoin de sécurité de nos enfants.

Courage! Au fond, le plus dur, ce n’est pas d’accompagner nos enfants en respectant leur rythme/leur évolution, mais de faire face aux regards et jugements des autres… Ce sujet fera l’objet d’un prochain article 😉

Sandra Zandra et Anaïs Leonard Duquesne, pour Enfance Épanouie.

 

 

 

 

 

 

 

1Définition du dictionnaire Larousse

2Pour en savoir plus sur les neurones miroirs https://www.youtube.com/watch?v=sRdUlO3qdak

3Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse

4Définition du dictionnaire Larousse

7 réflexions sur “Réflexion sur la politesse et le respect de l’enfant

  1. Lolotte dit :

    Bonjour,
    j’ai presque envie de pleurer en lisant cet article !
    Tellement de doute, à cause… du regard !
    Même si je dis que ça m’est égal et que je sais pourquoi je fais comme je fais… Quand les grands-parents s’y mettent et disent qu’on est dominé par notre enfant qui est tyrannique…
    Merci de me permettre de reprendre confiance !
    Je vais de ce pas chercher un article sur les pulsions (tapes) des jeunes enfants…
    Au plaisir de vous lire !!

    Aimé par 2 personnes

  2. Oreli dit :

    J adore cet article , j aurai bien aimé que vous mettiez quelques exemples avec âge et donner des pistes pour aider les parents quànd son enfant à 5 ans refusé encore de dire bonjour . Je ne parle pas des bisous car ca il refuse ét je le laisse gérer mais j aimerai qu’il arrive à dire au moins bonjour. Je me prends des réflexions tout le temps et lui les entends aussi ce qui me gêne …

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  3. Auré dit :

    Bonjour. Je suis d’accord pour appliquer cette façon de penser à tous les autres sujets. En revanche, la politesse ouvre des portes, de même que l’absence en ferme, parfois de façon irréversible (jugement définitif des gds parents, …) Ainsi, le modèle et la demande explicite des parents me semblent plus efficaces. J’ai expliqué que pour moi, il était important que mon enfant salue, que l’on avait davantage de chance d’obtenir un sourire et une relation de qualité.

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